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Séminaire de l'équipe Langues, littérature, linguistique

Organisé par Malika Assam et Mohamed Bakhouch

Jeudi 18 novembre 2021, 10h-12h, MMSH, salle A219 et en visioconférence. Lien Zoom / ID de réunion : 976 5719 8467 / Code secret : 701019

Cette séance à deux voix aura pour thématique l'exil.

Avec Annamaria Bianco (doctorante IREMAM ; cotutelle AMU/Université de Naples « L’Orientale »), "De l’exil à l’asile : Poétique(s) de la réfugiance dans le roman arabe contemporain". Et Stéphane Cermakian (MCF AMU/IREMAM), "Poétique de l’exil : Friedrich Hölderlin, Arthur Rimbaud et Nigoghos Sarafian".

Annamaria Bianco
La migration s'impose comme l'un des thèmes centraux de la littérature arabe moderne et contemporaine. Néanmoins, depuis les toutes premières expériences de voyage des intellectuels de la Nahda et du Mahjar, des changements importants ont eu lieu tant dans les modalités de déplacement des individus que dans leurs représentations littéraires. Les approches critiques des textes ont aussi progressivement changé, en intégrant le spectre des Refugee Studies (Gallien 2018). Après la Nakba de 1948 et avec l'instauration de plusieurs régimes autoritaires dans les autres pays arabes, de nombreux intellectuels dissidents ont abandonné leur patrie et le thème de l'exil est devenu prépondérant dans la production littéraire de l’adab al-manfā, dominée par les notions de ġurba (étrangement) et iltizām (engagement). Toutefois, l’attachement nostalgique à la patrie et le panarabisme propres de l’époque ont été rapidement effacés par le choc de la défaite contre Israël de 1967. Depuis lors, une chaîne interrompue d’événements géopolitiques bouleversants s’est abattue sur le monde arabe, finissant par provoquer une véritable diaspora transnationale. Plusieurs auteur.e.s ont participé à cette migration de masse et/ou ont traduit cette expérience traumatisante dans leurs œuvres, contribuant à créer un nouveau corpus littéraire arabe, auquel Johanna B. Sellman (Sellman 2013) se réfère comme adab al-tahǧīr (littérature du déplacement forcé) et dont les protagonistes sont principalement des demandeurs d'asile ou des sans-papiers en fuite vers l'Europe. Certains critiques parlent même de la genèse d'une véritable littérature de l'asile (adab al-luǧū’), à partir de la date clé de la crise migratoire de 2015 (Ǧarmaqānī 2017). La présente intervention vise à élargir l'analyse de cette production, en mettant l'accent sur la fiction romanesque arabe parue dans les derniers dix ans, afin de retracer le développement de ce que nous allons définir comme une nouvelle « esthétique de la réfugiance », fondée sur le dépassement du paradigme classique de l'exil (Saïd 2008) et de ses représentations littéraires. Le noyau de cette théorisation réside dans la dichotomie ṣadma-malǧā’, où la recherche d’un « refuge » (Agier 2013) des traumatismes passés et présents émerge comme leitmotiv.

1. Romans (disponibles dans nos bibliothèques)
Yassin Hassan Rosa, Les gardiens de l’air, trad. de l'arabe par Emmanuel Varlet, Paris, Actes Sud/Sindbad, 2014 (or. Yāsīn  Ḥasan Rūzā, Ḥurrās al-hawāʼ, Beyrouth, Dār al-Kawkab, 2009). 

Barakat Hoda, Courrier de nuit, trad. de l’arabe par Philippe Vigreux, Arles, Actes Sud-Sindbad, 2018 (or. Barakāt Hudā, Barīd al-layl, Beyrouth, Dār al-adāb, 2018). 

2. Études (à retrouver en ligne)
Saïd Edward, Réflexions sur l'exil et autres essais, trad. de l'anglais par Charlotte Woillez, Arles, Actes Sud, 2008 (or. 2001).

Gallien Claire, "Forcing displacement: The postcolonial interventions of refugee literature and arts", Journal of Postcolonial Writing: Special Issue on Refugee Literature, Vol. 54, 6, 2018, p. 735-750.

Ǧarmaqānī Rāmā, « Almānya… naḥw ḥāḍina li-adab al-luǧū’ », Qantara.de, 2/01/2017. بديلاً-عن-ترجمة-آدابهم , (une version en anglais est également disponible en changeant la langue du site internet).

Agier Michel, « Le campement urbain comme hétérotopie et comme refuge. Vers un paysage mondial des espaces précaires », Brésil(s), Vol. 3, 2013, p. 11-28.

Sellman, Johanna B. 2013. The Bio-Politics of Belonging: Europe in Post-Cold War Arabic Literature of Migration. PhD Thesis. Austin: The University of Texas.
NB : la sélection n'est pas la plus pertinente pour notre propos, mais comprend un certain nombre de titres facilement retrouvables en ligne, dans le but de permettre une approche préliminaire rapide des questions que nous aborderons plus en détail par la suite.

Stéphane Cermakian
Au fil des années, mes travaux sur l’exil ont convergé vers la recherche d’une langue propre à l’exil, dans une perspective transnationale et transhistorique, voire au-delà même d’une typologie réductrice qui enfermerait les expériences dans une unicité absolue. Hölderlin, Rimbaud, Sarafian : trois auteurs provenant d’aires culturelles et linguistiques très différentes et qui nous permettent d’examiner la création d’une langue exprimant une éprouvante expérience d’interculturalité. Hölderlin, à travers le jeune Grec Hypérion, s’exile dans un âge d’or depuis lequel il envisage l’Allemagne en devenir. Rimbaud, de son enfer esthétique, exprime l’exil intérieur ayant pour enjeu l’alchimie du verbe. Sarafian, Arménien rescapé d’un génocide, fait du bois de Vincennes un espace métaphorique intégrant les territoires effondrés. Dès lors, la poétique de l’exil interroge la possibilité d’une langue commune vers laquelle convergeraient les multiples expériences de l’exil géographique, linguistique et métaphysique. On pourra se pencher principalement sur l’œuvre de Sarafian, qui fait partie d’une aire linguistique que j’intègre particulièrement dans le cadre de mes recherches actuelles en études arméniennes, et qui s’étend sur un espace national et diasporique duquel émergent des problématiques spécifiques, constituant pour moi l’objet de continuelles hypothèses et interrogations.

Cermakian, Stéphane, Poétique de l’exil. Friedrich Hölderlin, Arthur Rimbaud et Nigoghos Sarafian, Paris, Classiques Garnier, coll. « Littérature, histoire, politique », 2021.

Hölderlin, Friedrich, Hypérion, trad. Jean-Pierre Lefebvre, Paris, Flammarion, coll. « GF », 2005.

Sämtliche Werke und Briefe [Œuvres et correspondance complètes], éd. Jochen Schmidt, Frankfurt-am-Main, Deutscher Klassiker Verlag, 2005-2008, t. II (inclut Hypérion).

Rimbaud, Arthur, Une saison en enfer ; Œuvres complètes, éd. André Guyaux, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2009.

Sarafian, Nigoghos, Le Bois de Vincennes, trad. Anahide Drézian, Marseille, Parenthèses, coll. « Arménies », 1993.

Նիկողոս Սարաֆեան [Nigoghos Sarafian], Վէնսէնի անտառը [Le Bois de Vincennes], éd. Krikor Beledian, Paris, 1988.  

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Année
2021